Lettre d'un élève en CPGE au lycée Henri IV à ses pairs en soutien à leurs professeurs
Par Daniel54 le dimanche 15 décembre 2013, 16:21 - Education Nationale - Lien permanent
Des élèves qui défendent leurs professeurs ....ce n'est pas très habituel . Alors , il faut s'en réjouir ! Ci-dessous la lettre d'un étudiant en CPGE qui s'exprime suite au projet du ministre de l'Education Nationale. Sage décision , après un mouvement de grève très suivi, le ministre a reculé.
Le système des Grandes Ecoles français est très souvent envié par nos voisins. Cela n'empêche pas que nos Grandes Ecoles soient assez régulièrement malmenées par les anti-élites de la nation.
On entend souvent dire que notre école est malade , qu'elle ne répond plus à sa vocation d'ascenseur social . C'est vrai (c'est ce que nous dit le dernier rapport Pisa) ! Reste à trouver les coupables. Jean Paul Brighelli a sa petite idée sur la question : les coupables sont rue de Grenelle.
Faut-il pour autant dénigrer et liquider nos Grandes Ecoles ?
Chers amis
Vous n'êtes pas sans savoir que le corps professoral est en émoi ces derniers jours , suite au projet ministériel de modifier par décret le régime indemnitaire des professeurs de classes préparatoires. J'ai bien conscience que certains craignent que le mouvement de contestation affecte leur préparation du concours, et déplorent être otages d'une revendication qui serait purement corporatiste ou dictée par l'intérêt personnel. En ce qui me concerne, c'est plus l'effroi de ce que sous-entend un tel décret ministériel qui me gagne. Pour cette raison, il me semble vital, d'une part de se réunir pour en discuter, d'autre part d'arrêter une position commune sur le sujet.
Et j'aimerais, ici, vous faire part de quelques-unes des raisons qui m'exhortent à demander une réunion, sous la forme d'une assemblée générale des élèves, dans les plus brefs délais.
Nous avons tous la chance de bénéficier d'un enseignement d'excellence, dispensé par des professeurs motivés, et cela gratuitement. Diminuer le régime indemnitaire des professeurs, c'est abattre un des derniers vecteurs d'ascension sociale en France par le mérite. Certains d'entre nous sont parisiens, d'autres sont provinciaux, certains sont nés avec une cuillère d'argent dans la bouche, d'autres de milieux modestes ; pourtant, ici encore, nous nous trouvons à égalité. Supprimer les primes, c'est décourager des professeurs brillants à abattre un travail colossal qui est un des facteurs de notre réussite. C'est aussi les pousser, alors que leur métier est chaque fois plus déconsidéré, à aller chercher ailleurs la considération qu'ils méritent, et cela au détriment de la qualité de l'enseignement public. Est-ce de I' égoïsme ? Comment concevoir que l'on vous demande un tel engagement, un tel sacrifice alors que dans le même temps on vous supprime des primes unilatéralement, en plus de vous jeter à la figure un prétendu statut de privilégiés ?Cela pose aussi la question plus large de la valorisation de l'enseignement dans notre société.
Vous l'aurez compris, l'idée, derrière ce décret, c'est bel et bien la fin des classes préparatoires. Un bastion de l'élitisme intellectuel bourgeois au service de la reproduction des élites. Un foyer de privilégiés. Il est temps d'en finir avec ces clichés réducteurs. Chacun d'entre nous a mérité sa place en travaillant durement, et c'est tout l'honneur de la France de continuer de recruter l'élite de son administration sur la base de ce mérite. C'est tout l'honneur de la France de conserver un recrutement qui cherche à atténuer les inégalités sociales. C'est parce que je crois en la méritocratie que je tiens aux classes préparatoires, parce que je crois qu'il est noble de permettre à une minorité qui l'a mérité par son travail d'atteindre les plus hautes responsabilités et les salaires qui y correspondent. Les classes préparatoires qui préparent aux concours de la République sont des remparts contre le clientélisme ou la sélection par l'argent, c'est un maillon primordial de notre méritocratie. C'est ce qu'il faut faire reconnaître dans l'opinion publique ; ce mouvement nous donne l'occasion de défendre la méritocratie en Fronce, et c'est pour cette raison qu'il faut nous engager : la seule solution d'atteindre l'excellence en France ne saurait être d'aligner du cash.
La manière avec laquelle ce projet est considéré, une application par décret, me navre. Quelle défiance de la part de l'État envers ses petits soldats qui travaillent chaque jour à former ceux sur lesquels il se repose ! Je ne peux pas accepter qu'on puisse traiter ainsi des personnels qui témoignent chaque jour de leur engagement et de leur loyauté.
Enfin, à titre personnel, je suis touché chaque jour de l'investissement de nos professeurs qui montrent autant leur motivation qu'un véritable sens du service de l'État. Nombreux ont hésité et hésitent encore à mener une action pour éviter de nous pénaliser, même si cela leur porte préjudice. C'est aussi par respect pour leur travail, et animé d'un immense sentiment de reconnaissance que je m'engagerai lundi 2 décembre par solidarité. Ma place ici, je la dois aussi à tous les professeurs que j'ai croisés dans ma scolarité, et si un jour je suis reçu à un concours, je le devrais à ceux qui, aujourd'hui, sont attaqués et se sentent abandonnés.
Jean Galve K2''